J’ai grandi avec des sorcières.

Pas des grands-mères hippies brûlant de la sauge topless, nan, des sorcières du petit écran de Charmed. J’ai grandi avec les sœurs Halliwell qui avaient des pouvoirs vachement mieux que la sauge. L’une d’elle avait comme pouvoir de pouvoir figer quelqu’un. Le reste est un peu flou parce que j’avais pas vraiment le droit de regarder la télé donc mon cerveau a mélangé des morceaux avec des restes de sauges, mais ça j’en suis sûre, il y en avait une qui avait comme pouvoir de pouvoir figer quelqu’un, paf. En général, la scène continuait, globalement les sœurs Halliwell paniquaient un peu en disant ouhlala qu’est ce qu’on va faire, tandis que le méchant figé restait en pause, ça leur laissait le temps de paniquer tranquille avant de le dé-figer parce que oh-oh, la voisine déboulait avec des muffins.

En ce moment, on est un peu comme ça, figé-es. La scène est sur freeze, on est des dindes au freezer mes petits potes, à force qu’ils nous balancent les pires horreurs en se tripotant la guerre, que l’extrême droite s’autodéroule le tapis rouge, ça va tellement loin que ça nous met en PLS, le cœur au congéle, et vraiment ça fait froid et vraiment ça fait chier.

La sidération. Je fais que tourner autour de ce mot comme la terre autour du soleil où l’inverse, franchement j’ai jamais su, vous foutez pas de moi. Nan mais je SAIS mais faut que je réfléchisse, quoi.

J’aurais pas dit que la sidération ça venait du ciel. Ben si. L’étymologie du mot, ça vient de sidus, et sidus, c’est une constellation. Ça nous avance bien bien pendant que Poutine et Trump se lèchent le bruit des bottes de savoir ça, HEIN ?

Nan mais attendez. En fait le truc c’est qu’à la base, enfin jadis, on soupçonne un peu les astres d’être à l’origine de tous les malheurs du monde. Parfois, on n’a pas tort : une insolation c’est effectivement un astre -le soleil qui vous a bien niqué la gueule mais c’est pas faute de vous avoir prévenu de faire la sieste à l’ombre aussi. Quant à la sidération, c’est les astres qui vous on fait le coup de Charmed, c’est-à-dire que PAF, ils vous ont mis dans un état de stupeur. Pourquoi ? Bah, c’est des astres, ils font ce qu’ils veulent, j’en sais rien j’y étais pas.

Le truc avec les astres, c’est que c’est plus fort que nous, franchement, je veux bien qu’on se donne de la force, et féministes et radicales et en colère, mais les astres, désolée, ça gagne.

La bonne nouvelle, c’est que là, c’est pas contre des astres qu’on se bat. Alors je dis pas que se battre contre des milliardaires nazis c’est fastoche, je dis pas qu’on va gagner, mais on peut se battre, et ce sera toujours plus facile que contre le soleil qui tourne ou l’inverse. Et pour se battre, il faut qu’on se sorte du congèle, d’abord.

On peut y arriver, il faut juste pousser la porte, elle est archi lourde, la porte, mais plus on s’y met à plein pour pousser, plus on aura de forces pour l’ouvrir, sortir du congèle, et se défiger pour aller ailleurs, avec nos corps et nos voix tremblantes et décongelées mais qui sont là.

Vous savez ce qui vient aussi de la même racine de sidus ? Désirer.

Ouais, dé-sirer, à l’origine, c’est regretter de ne plus contempler les astres, et puis la positive attitude est passée par là et c’est devenu avoir envie de les contempler, et d’une façon générale, avoir envie tout court.

En ce moment je passe mon temps à lever les yeux au ciel, je pensais pas y dégotter un dictionnaire de latin, mais c’est comme ça. C’est zinzin que du même noyau soit née la sidération qui nous glace le sang et le désir d’autre chose.

Ça veut dire qu’on peut. Pousser la porte. Sortir du congèle. Transformer la sidération en désir.

Et les connards en Mister Freeze.

Il y a des manifestations féministes dans toute la France samedi, pour dire aussi à l’extrême droite d’aller se faire cuire le cul. Au four à 220°. On s’occupe de la sauge.